Tout conte de fées ...
Colin, petit gamin
Il était une fois Colin, petit gamin, petit orphelin, petit vendeur de journaux dans la ville d’Organza. Le petit vendeur pleure, ne vend plus de journaux. Que des nouvelles pas belles, des nouvelles poubelles, plus personne n’en veut. Plus de client, plus d’argent.
Il était une fois dans les rues d’Organza plus de clients, plus d’argent, petit Colin en pleurs. Rencontre un mendiant qui lui donne une idée : « Va voir l’oiseau huppé, il a la solution »
L’oiseau huppé, pétri de bonnes intentions, dit qu’il faut ré-écrire, ré-écrire les nouvelles pour les rendre plus belles ».
« Ré-écrire, mais comment ? »
« Va voir le chat savant, qui voit tout, qui sait tout et vend l’encre magique ».
Il était une fois dans les rues d’Organza Colin devant le chat, le chat savant qui voit tout, qui sait tout et vend l’encre magique. Pas l’encre traditionnelle. Non, celle qui rend les nouvelles belles.
« Plus d’argent. J’peux pas payer, t’es sympa, je t’en prie, donne la moi.
Le chat savant sympa, ému, donne tout ce qu’il a.
Il était une fois dans la ville d’Organza. Le chef d’état entend parler de ça. Ne veut pas que les nouvelles soient belles. Trop pratique pour les politiques d’entretenir la peur. Fait enlever Colin et le met en prison. Mais celui-ci s’évade et court chez l’imprimeur, complice de l’état, complice de son malheur. L’homme est debout et lui barre la route. Coup de tête, coup de poing de Colin qui tombe à la renverse, se redresse et verse l’encre magique dans la machine qui s’agite et qui imprime : rien que des bonnes nouvelles !
La vie redevient belle.
Dominique D.
Joseph le charpentier
Il était une fois un charpentier, Joseph.
Au calme, une petite clairière. Pas facile pour grimper là-haut. Où trouver le bon chemin ? Que le choix des chemins.
Foire aux bestiaux.
Joseph choisit un cheval : Hercule, belle croupe, c’est du bon, du solide.
Il était une fois Joseph avec son cheval Hercule qui montaient en traînant une charrette remplie de poutres.
Une forêt parsemée d’embûches. Voilà ti pas qu’il y a un gros bloc en travers. « Nom de Diou ! Avec Hercule on va s’en tirer ». Et vlan, et boum. Ouf ! Le chemin est libre.
Et zut, zut, zut ! Voilà qu’Hercule perd un fer. « Nous voilà dans de beaux draps. Émile, Émile le maréchal ferrant, mais oui » !
Mais il est dans le disque de Ange. Miracle ! Emile sort de sa retraite. « J’ai 80 ans, mais pour mon ami Joseph, je vais reprendre du service ». Quelques minutes pour se remettre sur le bon sillon.
Et voilà mon Émile qui, en quelques coups de marteau et de râpe, remet un fer tout neuf à Hercule.
Il était une fois Joseph et son cheval Hercule arrivés à la clairière. Déballons, déballons les poutres. Bientôt il y aura un petit refuge pour l’hiver avec du feu dans la cheminée.
Il était une fois Joseph et Hercule là-haut. La lune est pleine. Le loup, des loups, les loups entouraient le refuge. Hou ! Hou ! Hou ! toute la nuit à hurler.
Enfin le jour. A l’orée de la forêt arrive un Patou qui décide de rester avec Joseph et Hercule.
Il était une fois Joseph, Hercule et Patou. Le refuge prenait forme mais il manquait l’eau. Une bonne réserve de gnôle ne fait pas tout. Parait qu’il y a un sourcier dans le village.
Et voilà qu’avec sa baguette magique il trouve une source. Hourra !
Il était une fois un petit refuge là-haut sur la montagne. Joseph, Hercule et Patou étaient au chaud. L’hiver pouvait arriver.
Joseph, Hercule et Patou zieutaient l’horizon. Ils attendaient qu’une montagnarde vienne d’en bas.
Il était une fois Joseph, Hercule et Patou, un peu tristes dans le refuge. Pas de Meetic.
Christian P.
La vendeuse de bijoux
Il était une fois Alicia une pauvre vendeuse de bijoux, pauvre et maladroite ne vendant jamais rien.
Dans une ville grise, sans soleil où seuls les bijoux brillaient.
Monsieur Grossou, patron brutal, avec de grosses mains pour ramasser l’argent, l’or et tout ce qui brille. Monsieur Grossou brutal a dit c’est ton dernier jour, après te restera tes beaux yeux pour pleurer. Tes beaux yeux tu vendras pour manger. Rires du brutal découvrant grosses dents en or.
Alicia pleure de ses yeux de perle. Personne dans le magasin. L’horloge qui tic-tac. Les yeux rougis de chagrin.
Entre grande dame ployant sous le poids de ses bijoux. Lèvres pincés, yeux noirs perçants. Elle veut tous les bijoux, maintenant.
Alicia s’empresse. Ouvrir la vitrine, sortir les bijoux. Enfin pouvoir manger, rêver, danser.
Mais pas de clef. Chercher partout, le comptoir, ses poches, dessous, dessus, pleure encore des larmes de perle.
Entre un vieux monsieur laid, plus pauvre encore. Sent pas bon, sent l’urine, tabac froid. Yeux rouges. S’approche.
Alicia a peur, recule.
Le vieux monsieur sourit, décroche son sourire et le donne à Alicia qui sourit aussi. Derrière le sourire, la clef de la vitrine à bijoux.
Alicia se précipite
Tous les bijoux dans le gros sac pour la dame au sourire pincé.
Dame sourire pincé se sauve. Rien dans les mains d’Alicia, sourire envolé.
Tic et tac, bientôt Grossou, la rue, la mort.
Entre petite fille mâchant chewing-gum
pleure pas Alicia
petite fille pétrit chewing-gum
petit tas de pâte
petit tas de pâte
petit tas de pâte
petit tas d’or
petit tas d’or
petit tas d’or
gros tas de bijoux.
Alicia pleure de joie
les bras dans l’or
vite dans la vitrine
les pas de Grossou dans le tic-tac du temps.
Alicia dort, rêve une ville de soleil.
Grossou brutal derrière elle.
Les dents en or s’entrechoquent.
Hurle dans les oreilles.
Alicia tombe.
Perles de larmes se détachent des yeux.
Grossou brutal jette dehors.
Le froid, la pluie, la faim.
Alicia accrochée à la porte du magasin
petite souris chatouille ses mains
petite souris chuchote à son oreille
petite souris dépose petites crottes
au creux de la main
petite souris s’endort
sous mignonne petite oreille.
Petites crottes lentement se transforment
en soleil, en or, en pain doré
petites crottes mangent le gris de la ville
petites crottes aspirent la saleté
petites crottes ont mangé Grossou le brutal.
Alicia le matin
dans le doré du soleil
Alicia le matin
mange le pain doré du soleil.
Alicia main dans la main
le vieux monsieur
la petite fille
et trotte derrière la petite souris.
Roland G.
Il était une fois Perrine,
Perrine la pauvresse
la pauvre Perrine
Perrine dans la rue
et Perrine était pauvre
et Perrine était nue.
Nue dans la rue Perrine honteuse
pauvre nue et tremblante et qui rasait les murs
Perrine nue sous la lune, blanche et nue sous la lune blanche
Il était une fois un homme venu d’ailleurs
noir de peau et vêtu de vert
à cheval sur un gros camion il ramassait les ordures
Il était une fois sous la lune blanche
un homme vert qui éventre un sac
Pour en vêtir la fille nue
Et noire devient Perrine dans le sac de plastique noir
de blanche Perrine est noire dans la terrible odeur du sac
et pauvre Perrine vomit
se vomit dessus Perrine
dans l’entêtante odeur du sac
Arrache le sac, Perrine
et se roule dans une flaque
S’habille de boue Perrine
brune Perrine sous la lune
et blanche à nouveau et nue émerge de la flaque
honteuse sous la pluie
la pluie rageuse qui la gifle
Il était une fois sous la pluie
une fille honteuse et nue
visage enfoui dans ses mains
et sur son visage soudain
un frisson de douceur qui passe
Il était une fois tout en haut d’un mur
sous la froide lune blanche
un chat gris qui qui se caresse
à la joue d’une fille nue
un charitable chat de suie
qui par pitié donne à Perrine
blanche et nue sous la lune
sa fourrure pour se vêtir
Il était une fois par une nuit noire
Assise tout en haut d’un mur
à côté d’un chat nu
une fille en fourrure grise
Et voilà qu’arrive
une bande de jeunes gens
Il était une fois des jeunes gens ivres
des pierres dans leurs mains qui chassent
la fille de suie
Mais pas lui
Lui tout seul à l’écart des autres
lui à part et immobile
Il était une fois sous la lune blanche un garçon immobile
un garçon différent
Une pierre atteint Perrine
sur son front nait une fleur rouge
Tombe au bord du trottoir Perrine
rougit l’eau du caniveau
l’eau rouge qui la déshabille
Il était une fois Perrine
misérable honteuse et nue
Mais il est aussi un garçon
qui sur elle se penche
et qui sur la tête lui passe
et sur les épaules lui glisse
et sur les seins et le ventre lui lisse
le pull-over qu’il a ôté de ses épaules
Il était une fois sous la lune blanche
dans la nuit noire dans la rue
un garçon pas comme les autres
et dans ses bras une fille
une fille qui sourit
Une fille heureuse et nue
sous un grand pull-over rouge
Anne-Marie L.
Mistouflette
Il était une fois une jolie souricette prénommée Mistouflette. C’était une souricette, la petite pépette. Et elle s’appelait Mistouflette.
Il était une fois Mistouflette, souricette, jolie pépette. Poils gris clair, redingote cintrée, yeux émoustillés, sourire persistant. Une souricette dans une grotte encaustiquée. Et un métier celui de repasser. Et voilà Mistouflette besogneuse, repassant chemises, robes à plis, pantalons bouffants, avec son mignon fer à repasser.
Mais voilà qu’un beau jour, plus d’eau pour le joli petit fer. Aie, aie, aie, misère ! que faire ? Mistouflette, dans sa grotte encaustiquée, et plus une once d’eau, la voilà qui sanglote à gros bouillons. Comment déplisser les tabliers de Marie, la boulangère, et les chemises de Tintin, le chaudronnier ?
Tiens, on sonne à la porte, la porte de la grotte, celle qu’on encaustique. Mistouflette, la petite pépette, jette son tablier sur une chaise et trottine jusqu’à l’entrée. C’est Marius, le facteur à l’accent chantant qui apporte maintenant un colis recommandé. « Bonjour Marius, quelles nouvelles ? » « Il était une fois, Madame Mistouflette, un paquet pour vous, bonne mère ! tenez »
La porte refermée, Mistouflette, la pépette, dans sa grotte immaculée, ouvre le paquet. Mistouflette, sa grotte, son fer, plus d’eau et le paquet. Dans ce paquet, oh miracle ! un cadeau du cousin devin : un pot, dans ce pot de l’eau de fleurs d’hibiscus et un petit mot « chère cousine, Mistouflette, dans ta grotte, tu n’as plus d’eau pour ton petit fer ; je l’ai lu dans mon terreau magique. Voilà le pot qu’il te faut. Bonne chance. A bientôt».
Mistouflette, une fois il était, sourit aux anges. Elle ouvre le pot. Mais voilà que s’était glissé dans l’entrée Oscar le cafard malséant. Oscar plonge dans le pot et change l’eau d’hibiscus en eau d’égout malodorante.
Et cette fois, Mistouflette, saperlipopette, plus d’eau saine pour le repassage. La souricette trépigne, s’agite, se mouche dans les rideaux, et catastrophe, se tord la patte de désespoir.
Une souris dans une grotte, le désespoir qui flotte et une patte enrubannée.
Tiens, on sonne à la porte, la porte de la grotte. C’est Sidonie, la voisine masseuse. Mistouflette tend sa patte endolorie. Sidonie masse, masse, masse autant qu’elle peut, et voilà une patte prête à sauter.
Bon, se dit Mistouflette, on va pouvoir travailler, mais elle avait oublié l’eau souillée.
Tiens, on sonne à la porte, la porte de la grotte. C’est Rincette, l’éléphant, laveur de son métier. « Mistouflette, bonjour, chère Dame, que puis-je laver pour vous ? vitres, sols, plafond ? Avec Rincette, tout est astiqué ».
« J’ai un problème dit Mistouflette en pleurnichant, l’eau de ce pot est sale, pouvez-vous la nettoyer ? »
De sa trompe affûtée, Rincette aspire l’eau d’égout qu’il recrache en eau rutilante et qui sent bon la netteté.
Et voilà comment Mistouflette, la petite pépette, souricette, dans sa grotte pimpante, peut enfin repasser draps, chemises, et tabliers. Elle fit une grande fête et invita Marius le facteur, Sidonie la masseuse, Rincette l’éléphant laveur, Marie la boulangère, et Tintin le chaudronnier.
Vive la vie, vive la joie, Mistouflette chante à tue-tête tandis que son fer glisse sur le tissu ; ses pattes dansent la salsa dans la grotte illuminée.
Françoise A. C.
Conte de fées
Il était une fois un jour.
Un jour il était Belle De Jour
qui n'aimait que le jour
Belle De Jour était belle comme le jour
de jour comme de nuit
même si on ne la voyait jamais la nuit.
La vie de Belle De Jour
était d'être belle
dans la rue le jour
sa vie était jusqu'à ce jour
de faire des rencontres
et ces rencontres mettaient de la nuit dans son jour
les volets clos les yeux clos
avec parfois mais si rarement
des étoiles au fond des yeux clos.
Un jour Belle De Jour
ne vit plus le jour
de jour comme de nuit
Un jour dans la rue au fond de la rue
Belle De Jour ne vit plus le jour
elle ne vit plus que la nuit.
Belle De Jour eut peur
peur de ce malheur
de ne plus voir le jour
peur de cette nuit
peur de la rue qui n'était plus que bruit
peur des rencontres sans bruit
Ce jour Belle De Jour
resta dans la rue jusqu'à la nuit.
Un jour ou plutôt donc une nuit
Belle De Jour frôla rencontra Belle De Nuit
Elle, lui dit "Bonjour"
Belle De Nuit dit "On ne dit pas bonjour pour la nuit"
Belle De jour désolée dit qu'elle ne voyait pas
Belle De Nuit lui dit "rappelle-toi
les étoiles au fond des yeux
et tu verras
mes étoiles au fond de la nuit
qui sont ma vérité et ma vie"
et Belle De Jour levant la tête
perçut les étoiles dans sa nuit
la lumière des étoiles fit blanchir ses cheveux.
Mais en vérité elle n'y voyait toujours pas.
Belle De Jour continua de marcher
dans la nuit
et se cogna à un lampadaire
les lampadaires ne travaillent que la nuit
Belle De Jour voyant des étoiles sans nom
dit "Oh pardon!"
le lampadaire vibrant cria au pochtron
"Es-tu soûle que tu me prends si violemment dans tes bras"
Non dit Belle De Jour "C'est que je ne vois pas".
Cette nuit-là le lampadaire
fit une telle lumière
que Belle De Jour sentit la chaleur
de cette lumière
Belle De Jour ne la voyait toujours pas
mais elle sentait la lumière
et cette lumière réchauffa les os froids
de Belle De Jour qui sentait avec effroi
qu'elle commençait à vieillir.
Elle resta là toute la nuit
n'ayant presque plus peur.
Elle fit de nouvelles rencontres de nuit
mais c'était comme si il faisait jour.
Au petit matin épuisée
quand les yeux fatigués
ne voient plus que des étoiles
après ce jour sans jour
après cette nuit sans nuit
Belle De Jour
rencontra un jardinier
il faisait presque jour
le jardinier jardinait les rues
et connaissait bien les fleurs que l'on butine
celles que l'on ne voit pas les mutines
il donna deux graines de fleurs
à Belle De Jour
deux graines à planter
et quand les plantes fleuriraient
les fleurs guériraient Belle De Jour
C'est ce que fit Belle De Jour
au soleil qui ne lui donnait pas de jour
dans la rue pleine de bruit
elle planta ce que lui avait donné la nuit.
Ce fut dur peu sûr obscur et long
mais enfin! Et comme ce fut bon!
Un jour Belle De Jour put revoir le jour
alors marchant dans la rue une dernière fois
car Belle De Jour était tout à fait vieille cette fois
dans la chaleur de l'été
elle vit les plantes qu'elle avait planté
dans la rue
elle s'assit enfin se reposa
toutes nues et sans voiles
c'étaient des belle-de jour et des belle-de nuit
et leurs fleurs étaient des étoiles
des étoiles que l'on voit de jour comme de nuit.
Jean-Pierre C.
Bernard le bûcheron
Il était une fois Bernard le bûcheron qui vit son pays ravagé par les flammes.
La terre était noircie.
Les petits vers de terre couinaient et les fourmis pleuraient.
Poser son pied dans la suie
Un cimetière de charbon sous les talons.
Le ciel bleu sombre à perte de vue.
Les rivières marrons qui mordent
Les champs, les champs, les champs
Les oreilles enrubannées de gel.
Dans son sommeil l’esprit de la forêt lui parle :
Le nom des rivières
Le nombre de champs
La couleur des nuages.
Dans son sommeil le mauvais esprit l’égare :
Le nom des rivières
Le nombre de champs
La couleur des nuages.
Les pieds dans la vase
La faim nouant les tripes.
L’esprit de l’arbre
mène Bernard dans les grandes forêts
lui montre les futaies, les hêtraies, les pinèdes
les jeunes pousses et les vieux décatis
les tourbières mensongères et les clairières riantes.
Aussitôt assoupi
le mauvais esprit de l’arbre commande :
coupe, tranche, assèche, amoncelle
des tas de bois jusqu’au ciel.
Aux animaux geignant sous le joug
le sang du soir se mêle.
Coupe, coupe mon Bernard.
Sous la lame une mèche blonde
la douceur qui s’emmêle
à la sueur du mâle
montrant la paix, le jardin
les légumes attendris
les joues roses des bambins.
Bernard à ses pieds
renonce à l’or, à la puissance.
Le mauvais esprit s’habille de satin
séduit la blonde au sourire mutin
laissant Bernard à ses rêves de fou.
Quand tous les animaux
des trous
des caves
sortent par milliers
dévorant ce séducteur malsain
Bernard au bras de sa blonde
la marmaille en dentelle
cueille les fleurs de l’esprit.
Roland G.