Mazzepa ...
CONCERTO
Lune, en son reflet d’argent
Brille dans la nuit,
Ce n’est que le commencement
Silence, respiration
Souffle, suspendu
Prêt à l’action, prêt ?
Allez, pars, ras la parcelle
Saper la sale passe
Saler l’espèce d’espace épars
Allez, pars !!!
Georgio, Georgio Mazzepa, il maestro, s’enfuit en grands galops
Agrippé à la crinière de sa monture altière.
Roulis et tintamarre, les sabots, entre sable et graviers,
Flux et reflux, ses humeurs, entre le désir et la peur
Fonce Maestro !!!
Le murmure, de toi à moi
Parce qu’il fait froid
Allonge, allonge le pas
Envolée, chevauchée, déferlante, dégringolade... silence
Georgio, est-ce que tu l’entends ?
Dans ton sommeil, est-ce que tu l’entends ?
L’oiseau tout nu, plumes de soie
Guette la lueur d’or
Du lointain printemps, demain
Tu, passerelle, elle et toi, impossible, immobile même, si belle, immobile
Tu, s’il te plait, passerelle, si loin, si incertain, doux comme le satin, juste lui tenir la main, tu ...
Mais, fonce Maestro !!!
Agrippé à la crinière de ta monture altière, fonce !!!
Et que défilent les arbres de feu, les murets de braises, les pierres étincelles, les touffes tisons
Fonce !!!
Demain est si loin encore
Juste à portée de coeur
Et de nos vieux jours, toujours
Saccade, soubressaut, point d’orgue... ORAGE... puis, rien... silence
Georgio, est-ce que tu l’entends ?
Dans ton sommeil, est-ce que tu l’entends ?
La-bas, au-delà
Le temps passe
Elle est si belle
Petite valse tendre
Pointé, piqué, plié, tendu, la jambe et hop !!!
Hop !!! aux grands galops de ta monture au regard fier, fonce !!!
Et que déboule les pierres et les rochers, les cailloux, les gravillons, sous les sabots de ton cheval fougueux et fou
Descente comme un vertige
Roulement à train d’enfer
Qui y a t-il là derrière
Est-ce que tu l’entends ?
Attends, attends, elle t’attends et tout va bien, plus rien ne craint, plus rien... ne craint... que le chagrin, demain
Ma grand-mère, cette histoire, son histoire, je lui avais demandé et demandé encore, comme le font les enfants et demandé encore qu’elle me raconte, la vie, l’amour, les pleurs, qu’elle me raconte, ma jolie petite grand’mère aux yeux délavés par les larmes et les rires. Les autres, la famille, la traitaient d’esbroufeuse, disaient qu’elle se mourrait de manque d’étreintes, qu’elle se mourrait... ma jolie petite grand’mère. Et quand tous étaient partis elle posait sur l’appareil le disque vinyle et, transportée, ma si jolie petite grand’mère aux yeux tout plein de larmes, murmurait d’une voix charmante : “Georgio” !!!
Camille R.
Quatre Novembre 2017
- Qui a dit çà ?
- Qui a dit çà ?
- Qui crie aussi fort ?
Pour me dire quoi ?
Des mots sans trame? Des mots sortis du cœur sortis de l'âme, des mots immortels?
Dieu que ce réveil est brutal!
Moi qui voulais rester seul, dans mon antre mon refuge ma grotte ma maison mon nid, moi qui voulais rester au chaud, dans la fumée des cigarettes, de la cheminée, entouré de rayons de livres de films, comme des rayons de soleil, qui répondent au doigt et à l'œil à mes discours mes soliloques, dès que je les convoque, moi qui ...
- Je ne voulais pas te réveiller.
Mais ce qui est dit est dit!
Ne peux-tu entendre ce que j'ai à dire ?
- Si! Mais ...
Hoo!!! Un vélo tout nu vient de traverser la rue! Il aurait pu prendre le temps de s'habiller! Tu ne crois pas?
(Silence)
Bon oui! D'accord! Tu sais, j'ai toujours vécu sans armes, mais attention hein? j'ai su donner des coups de marteau hein, j'étais vivant!!! Le vacarme était ma réponse à ce monde sans trame.
Et on meurt encore tu sais?
J'ai cherché l'éternité, je pensais la trouver enfin, seul, dans un rêve éveillé.
Oh! Mais je me fous des vélos obscènes, puisque tu es là je vais te dire un secret:
j'avais besoin que tu voles mon silence, que tu le violes.
La solitude est mon mensonge préféré.
- Qui a dit çà ? Mais ...
Je! l'ai dit!
Grâce à tout ce que tu m'as raconté, répété, enseigné, Je! l'ai dit!
Et il en sera comme je l'ai dit Papa!
(Silence)
Qu'il était reposant tout à coup de rester avec son rêve inachevé serré contre soi, puis d'ouvrir les bras, de se laisser aller!
Qu'il était doux à présent de savoir que l'on faisait partie du rêve d'un autre!
- Pour l'instant du moins , mon fils mon Prince mon Roi, parce qu'il est bon parfois de ne plus penser de ne plus désirer.
Mais, si cela doit un jour m'empêcher d'aimer, si cela doit un jour m'empêcher de t'aimer, alors, mon fils mon Prince mon Roi, je reprendrai ma solitude avec ma liberté.
Jean-Pierre C.
Mazzepa, le compositeur magique.
Forte ! se disait Mazzepa, tout en jouant avec ses petits doigts agiles, le long de son dos. Il déployait la partition de leur rencontre avec trémolos, il rugissait de plaisir.
De son pupitre, il surplombait l’orchestre, il était le maestro. Decrescendo, il déroulait leur récit, les soupirs aigus de Camille venant rythmer les silences du morceau. Grave et puissant, il arpégeait ses secousses dans un glissando en demi-teinte. Leur histoire, il la connaissait, fondamentale, sans surprise qui gronde à chaque mesure. Mazzepa voulait se retenir, léger, comme un oiseau chantant toujours la même mélodie. Son lyrisme trahissait une tristesse, qu’il refoulait au travers de cette interprétation emprunt de douceur et de froideur.
Mazzepa attendait, il faisait une pause, il espérait l’accident, la fausse note qui le ferait chavirer, délirer, glisser dans une transe frénétique.
Ne pas se réveiller, flotter en Sol Mineur.
Il avait envie de jouer, de retrouver son âme d’enfant, de se laisser bercer par une comptine, « mais on lui demandait des comptes en face de lui ».
Lui, le maestro, le plus grand, incontestablement, devenait poupée, un être sans défense, en demande.
Chaque jour, il remettait sa queue de pie et faisait trembler l’orchestre. Souvent, il se surprenait à rêver avec sa baguette, lui conférant des pouvoirs magiques, l’orchestre se transformait en un troupeau de « Zanimeaux », il riait intérieurement, se disant - Forte le crapaud, - En rythme les libellules, - Attention les doubles-croches, les sabots, et chaque soir, son livre se refermait sur cette fable onirique. Mazzepa retrouvait son pardessus et Camille, avec qui, il voulait poursuivre leur chimère.
Un soir, après un concert en rentrant chez lui, à la place de Camille, il trouva un petit rouge gorge avec un post-scriptum : J’attends ta nouvelle partition.
Mamia C.
En moi, Mazzepa
je
rouge
rouge en entier
sans demi-mesures
sans nuances
Rouge absolu
pour aimer pour Haïr
pour jouir pour mourir
Rouge n’est pas un choix
C’est à Paris, tout au bout d’un long périple dans la nuit mouillée, après les feux des voitures diffractés dans la vitre du bus, après les corridors de porcelaine malodorants et l’avenue noire sous les arbres du bois de Vincennes, avec l’angoisse au cœur de revenir à temps pour le dernier métro que j’ai retrouvé Mazzepa.
Rouge est la naissance
rouge la chair meurtrie
rouge le sang
qui jaillit sur les froides faïences
de la salle d’accouchement
Rouge la rue dehors
Qui remue mollement
comme un poulpe
ses tentacules incandescents
L’ogre alors entre dans le bouge
avec son désir d’enfant.
Je marche dans l’allée obscure et le son du piano me guide jusqu’au petit théâtre de bois. Chalet suisse ? isba à tête de poule ? je suis ailleurs et je suis là.
Rouge fatigue
Rouge épuise
quand les années s’accumulent
et s’allume sous mes paupières
un incendie de larmes
Si par hasard je pense à toi
Il est assis au piano noir devant le rideau rouge et de ses doigts déborde la musique écrite par un autre. Combien de fois l’a-t-il répétée sur des claviers de fortune, combien de fois dans sa tête appuyée au velours usé d’un train de nuit, combien de fois au comptoir d’un hôtel miteux avec le verre d’avant le concert pour se donner du courage et celui d’après quand on se répète ses fautes ?
Nous sommes, si peu pour l’écouter dans la petite salle, si peu. Dix peut-être, même pas, à avoir lu son nom sur une affiche et traversé la nuit pour le rejoindre. Lui, semblable à nous, vieillissant, fatigué, mais possédant encore une étincelle de miracle à partager.
Joue pour moi s’il-te-plaît,
Joue,
puisque rouge est mon cœur
quand je me souviens du jardin
de la maison perdue.
Anne-Marie L.